David Deregnaucourt, directeur général de Spheretech Europe – Fondée il y a maintenant plus de quinze ans, la société Spheretech trouve aujourd’hui ses lettres de noblesse avec le programme Eco-Entretien® initié par la Feda. L’occasion de revenir sur le concept de base de la société consistant à offrir des solutions de maintenance préventive pour l’après-vente.
Par Frédéric Richard,
Parlez-nous un peu de Spheretech, récemment mis en avant par le programme Eco Entretien.
Notre société regroupe principalement deux activités. La R&D d’une part, qui développe des solutions de diagnostic, dont EasyDiag, l’appareil de mesure des gaz d’échappement pour les véhicules Diesel, à l’origine du concept d’Eco Entretien®, dont nous allons reparler. Par ailleurs, nous disposons d’un savoir-faire dans la pétrochimie, et fournissons notamment des huiles et additifs hautes performances pour la compétition ou le nettoyage des systèmes d’injection modernes.
D’où part votre réflexion consistant à créer un analyseur de gaz pour véhicules Diesel ?
Sur les moteurs essence, on mesure quatre gaz en atelier ou au contrôle technique. Pourquoi n’est-ce jamais le cas en Diesel ? En essence toujours, on catalyse les CO, HC et les NOx, alors qu’en Diesel on s’abstient même de les mesurer en après-vente. Pourtant, cette motorisation est mécaniquement très productrice de NOx, puisqu’elle fonctionne en excès d’air ! D’autre part, on parle des rejets de CO2 sur un véhicule neuf à l’homologation, mais on ne les mesure jamais en après-vente !
Puis l’Euro 4 qui est arrivée comme une prophétie cataclysmique, selon laquelle Diesel allait devenir le nom d’une maladie grave pour les moteurs ! On a commencé à voir des injecteurs à remplacer dès 20 000 km à 400 euros pièce, mais également des admissions qui s’encrassent, des échappements partiellement bouchés, des vannes EGR inopérantes, des turbos qui grippent… C’est la raison pour laquelle nous nous sommes penchés sur la conception d’un analyseur de gaz Diesel.
Sur quels grands principes l’EasyDiag se base-t-il ?
La chimie est une science exacte. On sait ce que consomme un moteur, de l’air et du carburant, et on sait précisément ce qu’on doit récupérer à la sortie, après combustion. Donc, dès l’instant que l’on peut mesurer précisément la combustion d’un moteur, le moindre dysfonctionnement impacte l’équation chimique, et devient identifiable. C’est ainsi que les pannes ou avaries que l’électronique ne voit pas se révèlent détectables avec l’EasyDiag.
Comment peut-on établir un diagnostic mécanique à partir des gaz d’échappement ?
A la mise au point de l’EasyDiag, nous avons effectué des milliers de mesures sur 10 ans, et sommes parvenus à modéliser des courbes symbolisant le rendement thermodynamique d’un moteur. Par exemple, une EGR qui ne fonctionne pas est très facile à détecter en analysant les gaz d’échappement ! Comme un Diesel fonctionne en excès d’air, l’EasyDiag affiche 2 % de CO2 et 18 % d’oxygène, moteur tournant. Quand la vanne EGR s’ouvre, 2 % de l’échappement, donc de CO2, sont réinjectés dans l’admission. La mesure doit donc passer à 4 % de CO2, en même temps que les NOx chutent. Si ce n’est pas le cas, l’EGR est défaillante ou bloquée. Un appareil de diagnostic électronique classique verrait simplement que la vanne est correctement pilotée et n’afficherait aucun défaut, alors que la fonction n’est pas opérationnelle.
Vous avez un message à adresser au monde de la réparation…
Nous prônons une maintenance qui suit et respecte l’effort fait par les motoristes pour le rendement des moteurs. Entre Euro 3 et Euro 6, les constructeurs ont réalisé des prodiges sur le rendement, avec des puissances au litre toujours en hausse et des rejets polluants en baisse. Et l’on constate que, dans la vraie vie, la maintenance ne suit pas cet effort, car on entretient toujours sa voiture via des pas déterminés, à 20 000, 30 000 km… En Euro 3, c’était encore envisageable, mais en Euro 6, cela pose les problèmes que l’on connaît !
Pourquoi les réparateurs ne parviennent-ils pas à mieux éviter les désagréments inhérents aux Diesel modernes ?
L’après-vente a oublié qu’un moteur n’est pas un ordinateur. A force de parler d’électronique, on a omis qu’un moteur reste une machine thermique, avec un rendement thermique, qui fournit de l’énergie. Rendement qui se contrôle et s’analyse au moyen des émissions de gaz, comme un chauffagiste le fait avec une chaudière. Alors que les réparateurs utilisent des valises de diagnostic, qui ne remontent que les informations relatives à des capteurs.
L’analyse pointue des gaz fournie par l’EasyDiag peut aussi amener du chiffre d’affaires aux équipementiers…
C’est exact. Tous les fabricants d’échappement perdent 10 % en volume chaque année. Moins de remplacement, apparition de l’inox… Depuis dix ans, nos milliers d’analyses ont mis en lumière que 70 % des échappements contrôlés sont partiellement colmatés. Et ce n’est pas difficile à croire ni à prouver. Tout le monde sait que les vannes EGR s’encrassent, c’est rentré dans les mœurs. Or, si elles s’encrassent, pourquoi l’échappement et son nid-d’abeilles, qui encaissent la majeure partie des flux de gaz, ne s’encrasseraient pas ? Sur tous les modèles qui ne disposent pas de capteurs de pression dans l’échappement, nous affirmons qu’il y a du business à faire !
Comment EasyDiag diagnostique-t-il un échappement qui évacue mal ?
C’est très simple ! Quand on coupe un moteur, les émissions de CO2 doivent chuter de suite. Si un échappement ne se vide pas correctement, une contre-pression apparaît, et la ligne conserve du CO2 qui se libère progressivement, même après l’arrêt moteur, pendant près de quinze minutes. C’est donc facile à constater. Je souligne au passage que ces contre-pressions remontent jusqu’au turbo, ce qui explique les remplacements nécessaires à 30 000 km, car les axes des turbines prennent du jeu ! Un phénomène que l’on observe également avec des FAP colmatés.
Par ailleurs, quand on ne vide pas bien un moteur, un excès de gaz passe par l’EGR, qui envoie elle-même trop de CO2 à l’admission, ce qui crée des combustions diffusantes, des suies… Si ces phénomènes avaient des conséquences mineures en Euro 3, en Euro 5 et 6 ce sont des catastrophes. Collecteurs encrassés, turbos grippés, FAP bouchés à 30 000 km, injecteurs à remplacer…
Pouvez-vous maintenant nous détailler votre activité de conception d’additifs curatifs moteur ?
Quand nous avons commencé à faire des mesures sur les moteurs, nous nous sommes aperçus qu’ils s’encrassaient. Alors, nous avons testé les additifs du commerce, et déploré leur quasi- inefficacité. Ce n’était pas très grave sur les anciennes motorisations Diesel, dont les composants toléraient ce type de dérive, même si la performance se dégradait. Sauf qu’aujourd’hui, les moteurs Euro 4 et 5, hyper-pointus, ne supportent plus les écarts de fonctionnement dus à un encrassement. D’où l’envie de formuler une gamme “d’outils liquides” inédits, avec des dosages bien plus importants en produits actifs que ceux du commerce.
Il est sorti de ces réflexions une gamme baptisée “Cure”, qui s’applique au moyen d’une machine maison, la Sphereclean, qui pratique une sorte de dialyse du moteur.
A partir de quel kilométrage estimez-vous nécessaire d’effectuer une maintenance préventive ?
Les motoristes garantissent une bonne pulvérisation des injecteurs pendant 200 heures. Au-delà, on sait que des dérives apparaissent. Cinq microns de dépôt sur un injecteur, c’est 25 % de débit en moins ! A partir de 20 000 km, un moteur Diesel mérite donc d’avoir un nettoyage d’injecteurs. C’est du préventif, du périodique, comme le ramonage d’une cheminée. Si l’on pratique cette opération, on s’affranchit de grosses dépenses.
Comment est-il possible qu’un injecteur soit défaillant à 20 000 km ?
Par exemple, on n’a jamais expliqué au consommateur qu’il ne faut pas rouler en réserve allumée avec un Diesel moderne. En effet, le retour de carburant qui provient du surplus non injecté est très chaud, et ne refroidit pas suffisamment si le volume de gazole du réservoir est bas. Il est donc réinjecté chaud, et cela fait chauffer les injecteurs au point qu’ils bleuissent, se déforment, et il n’est pas rare de voir des injecteurs à 17 000 km complètement hors d’usage ! Et quand ils ne sont pas morts, ils pulvérisent moins bien, ce qui génère des suies, puis le turbo s’encrasse, l’échappement et le collecteur aussi, l’EGR…
Quelles sont les conséquences d’un injecteur encrassé sur les filtres à particules ?
Un FAP, pour se régénérer, doit voir ses particules brûler ponctuellement. En dehors du groupe PSA, qui injecte de la cérine pour abaisser la température de dégradation des particules dans le FAP, l’opération se fait par une post-injection de gazole qui élève la température de l’échappement pour brûler lesdites particules. Mais on a constaté que, dès 20 000 km, ces post- injections disparaissent parfois, car les temps d’ouverture sont trop faibles pour réellement injecter du gazole quand l’injecteur est encrassé. Au final, le FAP encaisse et se colmate. Résultat, on le remplace, parfois sous garantie, sans régler la cause initiale du problème.
Si vous êtes capables de diagnostiquer cela, les constructeurs doivent bénir votre action !
En effet, nous avons des constructeurs qui nous demandent de baisser les coûts de garantie. Ils sont face à un grave problème. Quel discours tenir à un client qui arrive avec un FAP bouché à 20 000 km ? Même si on lui remplace le composant sous garantie, dans un an il faudra recommencer. Les marques sont donc particulièrement à l’écoute d’une solution en après-vente, sans quoi elles en sont quittes pour un autre FAP, remplacé en geste commercial l’année suivante…
En plus du diagnostic, nous avons sorti des produits permettant de restaurer la post-injection, et ainsi recréer les conditions naturelles d’un bon entretien de FAP. Les réseaux constructeurs utilisent ces produits en préventif. Et dès lors que les dégâts se révèlent trop importants sur le FAP, nous proposons également un nettoyant spécifique, dont l’action consiste à oxyder les dépôts de carbone dans le FAP, pour qu’ils se retransforment naturellement en CO2.
Comment en êtes-vous arrivés à travailler avec la Feda sur l’Eco Entretien ?
En 2007, nous avons gagné le prix de l’innovation à Equip Auto. C’est à ce moment que Michel Vilatte nous a rencontrés pour voir comment envisager des synergies avec la Feda. Il pensait déjà que l’Eco Entretien pouvait devenir un concept salutaire pour la pollution et la profession. Nous avons commencé les tests avec quatre voitures, reçues au contrôle technique et présentant zéro défaut, et les avons soumises à l’EasyDiag. Nous avons ainsi détecté un échappement qui vidait mal, une vanne EGR non étanche et une admission encrassée. Après quelques opérations incluses dans le bouquet de l’Eco Entretien, nettoyage, changement de l’EGR…, un test NEDC classique a montré un gain de 6 g de CO2 au km !
Comment voyez-vous le déploiement du concept ?
La Feda a poussé le sujet, mais souhaite désormais à s’en écarter progressivement. L’Eco Entretien devient un sujet filière, que chacun doit s’approprier, car il existe dans ce concept une convergence économique pour les clients des professionnels et économique pour la planète.
En matière d’Eco Entretien, on ne peut corriger que ce qu’on mesure. Pour que le programme fonctionne, il faut de nombreuses machines installées, et faire des mesures à grande échelle. Groupauto y croit notamment pour les réseaux Top Garage, Précisium et Mon Garage. Norauto, depuis deux ans et demi, pratique énormément de tests et a adopté le programme dans plus de 300 centres, qui sont équipés d’un EasyDiag et de la Sphereclean, appliquant les produits “Cure”, pour une maintenance revisitée.
Bio express
David Deregnaucourt a fondé Spheretech en 1998, après des études de commerce à Douai, dans le Nord-Pas-de-Calais. Ami de Jean-Pierre Castella, docteur acousticien et pionnier en France de l’analyse des gaz d’échappement, il se lance dans l’aventure et le développement de l’EasyDiag. David Deregnaucourt se charge de la partie financière et commerciale, tandis que Jean-Pierre Castella développe la machine. Puis Spheretech associe une cinquantaine de garages pour commencer des mesures, jusqu’à ce que le concept soit véritablement abouti, en 2007. Aujourd’hui associé à un spécialiste des additifs, Charles Platteau, transfuge de Lubrizol, David Deregnaucourt emploie neuf personnes, dont six ingénieurs, eux-mêmes assistés de trois ingénieurs supplémentaires, au coup par coup, tandis que Jean-Pierre Castella est resté consultant pour la société et œuvre par ailleurs dans la mesure de gaz sur les moteurs de bateau, à Toulon.