L’État continue à pécher par son manque de pédagogie sur les Zones à faibles émissions (ZFE). Le réveil sera douloureux, lorsque les premiers PV pour « circulation à bord d’un véhicule trop ancien » tomberont et que les Français comprendront qu’ils sont tous concernés, alerte Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs.
Faites un test autour de vous : qui a déjà entendu parler des Zones à faibles émissions et qui sait vous en définir les grands principes ? Ce sondage, l’association Eco Entretien l’a mené auprès d’un échantillon représentatif de la population, courant mars. Résultat, seuls un tiers des Français connaissent les ZFE et leur signification, dans les grandes lignes. À savoir, d’ici à 2025, l’interdiction faite aux véhicules trop anciens de circuler au sein de quarante-cinq métropoles de plus de 150.000 habitants, pour aider à la lutte contre la pollution. La mise en place progressive des ZFE vise, à terme, l’éviction des voitures, utilitaires, deux-roues, bus et camions arborant une vignette Crit’Air 3, 4 ou 5 (voire « non classée »). Les métropoles les plus zélées, comme celle du Grand Paris (79 communes concernées !), banniront également les Crit’Air 2. C’est-à-dire TOUS les diesels.
Bref, d’ici à 2025, les trois-quarts des véhicules actuellement en circulation ne pourront plus poser leurs roues dans une ZFE. Vous habitez à la campagne et vous ne vous sentez pas concerné ? Détrompez-vous : un rendez-vous à l’hôpital, une expo à voir a-bso-lu-ment, de vieux amis à visiter à Dijon, Grenoble ou Orléans, tôt ou tard la question va se poser à vous. Votre balade va-t-elle vous coûter 68 euros de plus que prévu ? C’est en effet le montant de la contravention que vous retrouverez dans votre boîte aux lettres, si vous ne respectez pas le niveau Crit’Air imposé dans votre ville de destination. Enfin, pas avant 2023, encore qu’un PV puisse d’ores et déjà vous être dressé si vous n’avez pas de vignette collée sur votre pare-brise, quel que soit son niveau.
Sachez par ailleurs que chaque ZFE adopte ses propres règles d’application. Ainsi, dans le Grand Paris, les restrictions pour les véhicules particuliers et utilitaires légers se limitent pour l’instant du lundi au vendredi de 8h à 20h pour les Crit’Air 4 et plus (7 jours sur 7 pour les camions, bus et cars). À Toulouse, depuis le 1er mars, les poids lourds, fourgons et fourgonnettes Crit’Air 5 ou non classés sont concernés 24 heures sur 24, les mêmes en Crit’Air 4 s’ajouteront le 1er septembre, les particuliers n’étant concernés qu’à partir du 1er janvier 2023. Tout cela va quand même très vite et cette disparité de rythme et de conditions de mise en place, pour arriver à l’objectif fixé pour 2025 où seuls pourront rouler les voitures électriques et les Crit’Air 1 et 2 (enfin, pas partout…), n’arrange rien pour la compréhension des usagers.
Un projet de société doit impliquer toute la population, pas uniquement celles ou ceux qui ont les moyens d’acquérir un véhicule arborant la bonne vignette
Cette usine à gaz – sans mauvais jeu de mots – que nous avons décrite l’an dernier dans une étude que nous aurions pu intituler « Les ZFE pour les nuls » (téléchargement gratuit sur le site de notre association) est si cacophonique qu’aucun politique n’a le courage de l’expliquer aux Français. Mais cette « patate chaude » que tout le monde se passe sans prendre la peine d’en analyser les conséquences sociales va finir par leur brûler les mains. Parce que la transition écologique est un projet de société et qu’un projet de société, cela implique toute la population, pas uniquement celles et ceux qui ont les moyens d’acquérir un véhicule arborant la bonne vignette Crit’Air, nouveau Saint Graal de la mobilité automobile.
Que faire des 36 % de Français qui ont déclaré, dans le même sondage d’Eco Entretien, ne pas avoir le début d’un euro pour remplacer leur voiture Crit’Air 3, 4 ou 5 ? Pour qui a étudié le calendrier d’instauration des ZFE d’assez près, les potentielles conséquences sociales de l’exclusion des plus pauvres, devenus persona non grata dans les villes parce que roulant à bord de vieilles trapanelles (certainement pas par choix), sont extrêmement préoccupantes. Christophe Michaeli, directeur de la mobilité automobile de BNP Paribas, prévoit une réaction dont “l’ampleur sera sans commune mesure avec ce qui a déclenché le mouvement des Gilets jaunes”. Marc Bruschet, président des concessionnaires chez Mobilians, imagine pour sa part un “soulèvement de la population”.
Les potentielles conséquences sociales sont extrêmement préoccupantes
À la Ligue de Défense des Conducteurs, nous défendons le principe d’un moratoire, qui donnerait le temps de la pédagogie à l’État et le temps de l’adaptation aux Français. Mais à voir la pauvreté des programmes automobiles des candidats à l’élection présidentielle – y compris les deux finalistes –, difficile de croire que ceux-ci ont pris conscience de l’impact catastrophique des ZFE sur les Français les plus fragiles, au budget le plus contraint.